La révolte

20 janvier 2010 :
Je ne suis plus triste de son départ, mais triste de ne pas l’avoir aidée. Je lui avais promis de ne pas lui laisser le pouvoir de me faire souffrir et je lui ai laissé. De la soutenir et je ne l’ai pas fait. D’accord elle m’en a empêché mais quand même. J’ai réussi tout ce que j’avais comme objectifs à travers elle : devenir chanteur, savoir regarder la réalité en face, accepter la complexité des relations humaines, dire la vérité. Elle n’a pas voulu m’aider à faire ça. Elle a même essayé de m’enfoncer, mais le résultat est là. Dans l’autre sens je voulais l’aider à faire la place à la vérité dans sa vie et elle s’est enfermée dans un tissu de mensonge. Je voulais l’aider à chanter avec sincérité et elle a mis une tartine de manières et de trucs dans sa voix. Je voulais l’aider à gérer sa carrière et elle fait des choix pitoyables. C’est donc bien un échec personnel pour moi, plus que pour elle. Et c’est elle qui le paiera alors que j’en profite.

Ca me révolte d’avoir écrit ça. Pas aidé ? Réussi ? Que j’en profite ?

Dernier sursaut de fierté. Etre en partie responsable pour au moins exister dans ma propre histoire. Dernière tentative de tourner la page proprement. Quelques jours plus tard elle viendra m’achever. Elle était partie depuis 3 mois, notre groupe était mort, mes autres groupes avaient suivi. Je commençais à reconstruire…

C’est révoltant de voir une victime culpabiliser. Même quand c’est soi-même.

A chaque fois que je l’ai vu ça m’a révolté. Je ne suis pas toujours intervenu. Qui ose intervenir dans ces situations ? On voudrait donner des coups de pied au cul de la victime pour qu’elle s’en sorte elle-même, sinon on la transforme en objet une fois de plus.
Cette fois c’était moi. Trois mois après son départ. Passés les premiers jours de désespoir, je m’étais senti revivre. J’avais retrouvé ma liberté de penser. Je commençais à comprendre. Mieux, j’avais participé à ma libération en la poussant dehors.
Et puis le temps aidant, j’ai pensé qu’il était plus humain que nous gardions une image positive de cette rencontre. Je l’ai revue et elle avait l’air malheureuse. J’ai oublié ma colère. Je lui ai tendu la main. Elle a révélé sa nature cruelle que je n’avais pas voulu voir. Elle a joui de son pouvoir sur moi qu’elle croyait perdu. Je lui ai inventé des excuses et des prétextes, pour ne pas détruire mes souvenirs. Pour ne pas regarder en face que j’avais été un jouet. Conscient du chaos qui régnait dans mes sentiments, j’ai écrit ce bout de journal, qui me révolte aujourd’hui, qui me dicte de démonter les mécanismes qui ont conduit à ce non-sens.

J’ai eu plusieurs fois envie de faire ce retour sur mon passé. A chaque fois c’est la colère qui m’a arrêté. Couche après couche, je l’ai épluchée. Et aujourd’hui je suis presque sûr que je n’en ai plus. J’ai pris un peu de recul sur mon histoire, les circonstances qui m’ont amené là, ma recherche personnelle, mes espoirs. J’essaie de percevoir comment nos rencontres, notre éducation, l’estime que nous avons de nous influencent notre voix et notre capacité à chanter librement.

En parallèle, je développerai le pan artistique de cette recherche, et la place des relations humaines dans la création et l’interprétation musicale.