Chanteur : comment ? Pourquoi ?
Je suis arrivé au chant par la petite porte après plusieurs années d’enseignement de la musique et quelques centaines de concerts sans chanter, ou en chantant de façon secondaire.
Il m’a toujours semblé naturel de chanter. Dans ma famille on chantait tout le temps. Dans les couloirs, sous la douche, en préparant le repas, seul ou à plusieurs au hasard des rencontres. Une berceuse chaque soir au plus jeune âge (multiplié par le nombre de jeunes âges, ça fait quelques milliers de berceuses 🙂 ). Les départs en vacances étaient de vraies répétions de chorale. Il y avait juste une trêve pendant le repas. En-dehors de la maison, les occasions ne manquaient pas, chorales, cours de formation musicale au conservatoire (j’ai eu la chance d’arriver en pleine réforme des méthodes d’enseignement, où on commençait à trouver naturel de chanter à chaque cours), et je ne dédaignais pas de trouver une jolie copine pour chanter en duo dans la cour de récréation. Tout ça ne donne pas beaucoup de recul sur le chant. Pas de réflexion technique. Juste chanter juste et en mesure. Facultés qui me sont restées, en en relativisant l’importance, mais des lacunes qui m’ont coûtées cher aussi. C’est là que j’ai acquis ce que Jo Estill appellerait ma tendance naturelle. Je n’en ai pris conscience que lors d’un stage récent avec Isabelle Marx. Jusque là on m’aurait plutôt dit que j’avais formé ma voix. Laissant planer une idée d’irréversibilité. La fonction créant l’organe, j’ai développé des techniques sans le savoir, pour répondre à mes besoins. Je voulais me faire entendre, dans une famille où on n’avait pas la langue dans sa poche, dans des chorales d’enfants où on essayait de bien s’entendre et de passer au-dessus des autres, dans des examens de formation musicale où le volume était un bon moyen de masquer le trac. J’ai donc développé en priorité le basculement du cartilage cricoïde (mécanisme du cri) et le twang (technique donnant de la présence sonore, peu présente en français de France, mais utilisés par nos cousins québécois et un peu dans le midi de la France. Les deux bases du belting. Ayant en parallèle travaillé la trompette à haut niveau, j’ai acquis un très bon contrôle du diaphragme et de la ceinture abdominale, utilisés dans le cas de la trompette pour créer une grande pression. Un peu le contraire des besoins du chant où on recherche surtout le soutien, mais avec les mêmes muscles. J’ai donc construit un belting personnel plutôt dur, sans méthode permettant de l’adoucir, et sans grand souci d’interprétation, puisque je n’avais pas vocation à chanter devant un public, et pas de message personnel à faire passer. Une formation sauvage donc, me donnant toutes les bases pour chanter, mais aussi toutes les conditions pour les utiliser à contresens.
Après, c’est l’adolescence, période trouble pour les jeunes voix masculines. Pas de difficultés vocales particulières pour moi. Mais quelques écueils. Le sentiment, fréquent chez les garçons pendant la mue, que ma voix était très grave. Je me suis mis à chanter à l’octave inférieure en toute circonstance, avec le larynx bas lié sans doute à mon influence classique, alors que j’aurais pu souvent chanter dans l’aigu et dans d’autres styles, par l’imitation des vedettes du moment. Après tout, en plein règne de Balavoine et dans une société sous forte influence américaine, la voix grave ne s’imposait pas. L’impression d’avoir une voix laide, autre classique de l’ado. L’impression de n’avoir rien à dire, ou que le monde n’était pas disposé à l’entendre. Cet état d’esprit a dû participer à me faire développer une voix parlée très différente de ma voix chantée, ce qui n’est pas très fréquent. J’avais un chant droit, puissant, très entraîné, reposant sur beaucoup de puissance et de maitrise musculaire acquise dans mon travail de trompettiste, mais avec peu de technique, en gros du belting, mais sans recherche affective. J’ai développé une voix parlée très économique, de faible volume, malgré une légère tendance au twang qui donnait de l’intelligibilité. Une gêne relationnelle se traduisait en général par un basculement du cricoïde qui me donnait une voix dure, métallique, qui pouvait facilement déplaire. Une nasalisation que je n’aimais pas mais dont je n’avais pas conscience, me servait de masque en me donnant une distance par rapport à mes propos. Je ne m’en rendais compte que sur les enregistrements. La nasalisation s’entend mal de l’intérieur. J’avais une diction surjouée, liée à mon entrainement musculaire de trompettiste et l’absence de mécanismes d’adoucissement comme le basculement du cartilage thyroïde que j’ai développé plus tard. J’ai dit voix douce ? Bonne question. Rien n’est doux dans tout ça, sauf mon aversion pour la violence, et ma tendance à me placer en retrait, à laisser l’autre parler. La seule méthode que j’aie trouvée pour concilier ces deux forces contraires, c’est de parler avec très peu de débit, donnant peu d’assise à ma voix. J’ai ainsi accentué mon malaise à parler dans certaines circonstances, en public (hors-concert), en examen, dans une relation duelle avec une femme que je connaissais peu. Le résultat était d’ailleurs quelquefois perçu de façon négative, ma voix vécue comme intrusive et calculée. D’autres personnes n’émettent pas ce type de jugement et devenaient mes amis. Bon an mal an, c’est une époque où ma voix ne m’a pas souciée.
L’amour avec le public
Tout aurait pu s’arrêter là. La maturité aidant, j’ai pris plaisir dans des rencontres, des discussions en petits comités, des amitiés, et les nécessités de communiquer avec mes collègues et mes élèves. J’ai pris plaisir à parler librement à des amis proches de qui je ne sentais aucun jugement. J’ai appris à parler en public, sans en retirer aucune satisfaction.
J’ai arrêté de chanter sauf dans le cadre de mon travail, pour donner des exemples mélodiques, ou quand j’enseignais la formation musicale pour accompagner la classe. Je n’avais pas envisagé de devenir musicien professionnel. Encore moins chanteur. Je n’avais ni le sentiment que c’était possible, ni l’impression que ça intéresserait quelqu’un, ni la conscience que j’avais des choses à exprimer.
D’abord j’ai franchi le cap de devenir musicien en musiques actuelles en entrant en tant que bassiste dans un groupe qui marchait très fort au début des années 90 : Realta. De fil en aiguille, j’ai joué d’autres instruments dans ce groupe et j’ai commencé à chanter en réponse (en kan ha diskan, une excellente école de style) ou en deuxième voix, puis sur quelques chants leads, en particulier sur mes premières compositions. Je n’avais pas réalisé à l’époque que ce qui me poussait à chanter mes chansons, c’était l’envie d’apporter mon interprétation de mes paroles. D’ailleurs je n’avais même pas réalisé que j’écrivais des chansons pour dire quelque chose. Nous avions besoin de renouveler le répertoire, j’avais des mélodies plein la tête, et j’ai donc écrit des paroles pour aller dessus. Je devrais dire dessous plutôt. Dans le fond j’avais déjà envie d’exprimer des choses personnelles, comme par exemple cette chanson qui s’inspire d’une personne de ma famille :
Comme on l’entend facilement, j’ai construit à cette époque une voix par imitation de voix qu’on entendait alors en musique celtique. Ici en particulier l’influence de Soldat Louis se fait sentir. On entend bien la diction surfaite dont je parlais plus haut, qui m’a accompagnée un long moment. Cette chanson marque aussi l’arrivée du slack, ou fry vocal dans mes choix artistiques de chanteur lead. Cette technique était complètement absente dans mes expériences de choriste ou de diskaner (déchanteur, j’adore ce mot qui résume bien la vie de musicien en groupe). Elle réapparaitra plus tard en chanson de marins. Aujourd’hui c’est une technique qui m’amuse et m’inspire beaucoup, surtout depuis que j’ai appris à en mesurer les difficultés, les avantages et les risques.
J’ai eu à cette époque l’occasion de chanter devant de gros publics, de plusieurs milliers de personnes, quelques chansons à chaque concert. Le plaisir de la communication avec de gros publics a fait pâlir les nombreux autres moments magiques qui ont émaillé cette époque de tournées et de rencontres. Mais toujours pas de grosse envie de travailler le chant en profondeur. Mes illusions de vieil autodidacte s’étaient installées, et j’avais de plus en plus d’instruments à travailler, ce qui m’occupait bien les mains et l’esprit. Une première expérience de techniques vocales modernes lors d’un coaching de groupe avec Emmanuel PESNOT à l’école de chant La Boite Vocale nouvellement créée.
Le choix du chant
Le choix s’est fait dans la douleur, c’est le cas de le dire. Après des mésaventures sur lesquelles je reviendrai, je décide d’affirmer un de mes choix professionnels par un passage en formation. Je doute beaucoup de moi, et j’ai échoué dans quelques projets. Un regard extérieur et la fréquentation de gens dans les mêmes interrogations que moi deviennent indispensables.
Après un premier tri, il me reste deux options, très différentes. Sans doute celle de la raison et celle du cœur. J’hésite entre prolonger mon expérience de régisseur par une formation de technique son, et une formation professionnelle de chanteur. Au moment de signer pour l’une ou l’autre, lumbago, paralysé par terre pendant une heure, téléphone hors de portée. Une bonne expérience de retour sur soi. La douleur, la solitude, les souvenirs et les bilans. Impossible de confirmer une formation en technique avec un dos fragile. Et puis il est où l’amour du public ? Est-ce que mon corps s’est rebellé contre ma tentation de devenir technicien ?
Choix dangereux donc, le chant. Retour à la Boite Vocale, mais pour neuf mois à temps plein, le temps d’une gestation.
Bilan avant la rentrée. Je me rends compte à l’inscription que je n’ai pas vraiment de chansons au répertoire. Je chante surtout des kan ha diskan dans des styles qui laissent peu de place à l’interprétation. Les rares chansons que j’ai écrites sont extrêmement difficiles à chanter, avec un débit de paroles très important, ou très difficiles à accompagner, la richesse des chansons reposant un grande partie sur des grilles très riches et une originalité rythmique. Je décide à la fois d’élargir mon répertoire celtique avec des chansons bretonnes et irlandaise plus folk, et des essais dans différents styles. Je commence par Marie-Jeanne Gabrielle, qui ne me dépayse pas trop mais dont je sous-estime alors la difficulté. Ma diction exagérée rend la chanson dure et son thème mélancolique est trahi par ma technique de chant rapide et dynamique. Les phrases laissent peu de place pour respirer, je perds du temps avec des difficultés qui s’additionnent : gestion de la respiration, recherche de techniques pour avoir une voix douce, de techniques pour chanter aigu (je l’avais travaillée une quarte plus haut que mon choix actuel, au grand dam de mon prof et de mes collègues, en particulier la Boulette). L’autre chanson, celle avec laquelle je me suis présenté au premier cours, était l’Halleluia de Leonard Cohen dans une version qui se voulait proche de celle de Jeff Buckley. Outre les conséquences fâcheuses dans l’histoire qui allait se nouer avec ma boulette, sur laquelle on reviendra ailleurs, ce choix me mettait face à des difficultés inédites. Partant de mon belting allégé en larynx bas, j’essayais d’aller vers un sob (pleur, bascule du cartilage thyroïde) en cordes fines et rigides alternées, avec larynx moyen voire haut, sans rien comprendre à ces techniques. Le grand écart. La somme de nœuds que ça m’a fait dans la tête semble avoir été à l’origine de ce que j’ai appelé le masque, une crispation des muscles gênant l’articulation et l’expression affective. Résultat : une diction chamallow, avec un timbre éclatant, des syllabes à l’emporte-pièce mais mal définies, et une impression laborieuse. Je n’ai malheureusement trouvé aucun témoignage clair de ce phénomène de masque chez d’autres personnes, juste quelques étincelles de compréhensions quand j’en parle, et je l’entends et le vois quelquefois chez d’autres chanteurs. Je l’ai vu chez ma Boulette, mais comment en parler maintenant alors que nous en avons pris conscience à une époque ou nous avions une relation de confiance ? J’aimerais en faire une de mes priorités de réflexion sur la voix, si ça peut être utile à d’autres, et m’aider à comprendre ce que j’ai ressenti à l’époque.
J’étais encore, comme mon prof, comme mes collègues, dans une représentation linéaire du niveau d’un chanteur, avec à un bout le nul, à l’autre le bon. Je vous laisse imaginer où ça me plaçait. Si on ajoute l’ignoble habitude de notre société d’imaginer qu’on peut avoir un don, et que si on ne l’a pas il ne faut pas rêver, je partais avec un poids énorme sur les épaules. Mon masochisme m’a sauvé un temps, me permettant de porter ma croix le temps de trouver des solutions. Il a aussi éveillé l’appétit des prédateurs, mais on ne peut pas gagner sur tous les tableaux. J’ai cru que le chemin serait long, et du coup il l’a été. Quand j’entends ce que j’ai enregistré à l’époque je pense que je me trompais. Quelqu’un ayant une bonne compréhension des mécanismes vocaux aurait facilement mis le doigt sur les erreurs d’interprétation qui me poussaient à travailler dans le mauvais sens. J’étais en fait très près de réussir à cette époque. J’ai laissé tomber ces chansons rapidement pour améliorer d’autres techniques fondamentales, contrôle de la respiration, diction, voix mixte. Un travail bien encadré qui m’a beaucoup fait progresser. Dans le même temps j’ai perdu mes derniers restes de confiance, et j’ai fait de mauvais choix. J’ai cru que je n’arriverai pas à monter un répertoire de chansons à temps pour tourner après la formation. J’ai donc arrêté le travail de guitare que j’avais commencé pour m’accompagner. Je m’y suis remis depuis, mais dans l’urgence, au prix d’un travail immense. J’ai en même temps conforté mon idée de chercher une collègue pour monter un duo chanteur-chanteuse au lieu de développer un groupe autour de moi. Là le prix a été plus sévère, environ deux ans, en admettant que je puisse me faire une idée du temps que j’ai gagné et perdu dans ce projet, ce qui est forcément subjectif.
Je suis sorti de cette formation avec beaucoup d’atouts. Voix mixte facile, mon problème de masque envolé, un demi-répertoire de chansons celtiques prêtes à affronter la foule, deux duos que je croyais sur les rails (les deux se sont effondrés en même temps quelques mois plus tard), et toujours ma facilité à communiquer avec le public qui me venait de mon ancienne vie. Il me restait comme difficultés principales une grande distorsion entre mes timbres de voix suivant l’environnement humain (je cherchais à avoir la voix que mes collègues voulaient entendre, mais sans avoir les outils pour opérer ces changements), et toujours cette tendance à surjouer, et une diction dure. L’urgence de la vie d’artiste m’a obligé à travailler linéairement, travailler plus pour progresser plus, au lieu de travailler mieux pour progresser mieux. Le résultat n’était pas mauvais et m’a permis de conquérir quelques publics, et d’en tirer de la confiance en un avenir construit sur mes compétences et ma personnalité.
Une étape importante pour moi a été le travail du bodhran, tambour irlandais se tenant à la main, que j’ai rapidement pris l’habitude de jouer en chantant sur la majeure partie de mon répertoire. J’y ai trouvé une indépendance de la voix par rapport au rythme qui m’a donné le dynamisme qui me manquait dans le chant, en attendant de réaliser l’importance de me mettre à la guitare.
L’aboutissement de cette époque pourrait être cette interprétation en 2010 de The wind that shakes the barley avec Jonathan INIZAN à la guitare, juste avant que je me mette au chant-guitare moi-même.
Etrangement cette chanson m’a posé des difficultés d’apprentissage, parce qu’il y a le mot anglais « bullet » dedans. Sans compter que c’était la chanson sur laquelle nous avions atteint le résultat le plus prometteur avec ladite boulette, avant que ça parte en vrille. Difficile de ne pas éclater de rire avec Jonathan si on se regardait en arrivant à ce couplet, tellement nous savions que j’allais me tromper. Cette chanson plus que toute autre m’a appris à chanter en assumant mes sentiments tout en restant concentré sur mon travail de chanteur. Jolie voix mixte, soutenue, bien articulée. Une présence émotionnelle qui me vient de réflexions complémentaires entamées à la Boite Vocale avec Laurence Schiffrine et Odile Ferro, et qui avaient muri entretemps. J’avais enlevé certaines caractéristiques de ma tendance naturelle, twang, slack et cri, pour obéir à la la menace d’abandon de ma collègue. Le résultat est très doux, ce qui était une étape nécessaire. Il me manquait un peu de recul technique sur ma voix pour prendre conscience des caractéristiques que j’avais étouffées, une réflexion profonde sur mon histoire affective, et une volonté de liberté.
Vers une compréhension de la voix
Mon esprit était encore encombré de certaines considérations techniques qui ne me parlaient pas. Voix de poitrine, voix de tête, mettre de l’air dans la voix, pousser le son, voix saturée, des notions à mille lieues des réalités de la voix, mais portées par le dogmatisme et la tradition. Des sonorités différentes portaient le même nom, la même technique semblait donner des résultats très différents suivant les gens. J’avais encore de grandes incertitudes pour obtenir le son et l’expression que je voulais quel que soit l’environnement technique, sonore, et humain. En tripatouillant les possibilités de formations à la recherche d’un stage qui me donnerait des pistes vers une plus grande liberté d’expression, je suis tombé sur une proposition de formation professionnelles de Courant d’Art en août 2011, sur le potentiel de la voix parlée et de la voix chantée, animé par Richard DOUST et Isabelle MARX. J’ai été attiré par la rencontre entre comédiens et chanteurs, qui était une particularité du stage, et rejoignait mon interrogation sur ma posture scénique. C’est surtout la découverte des techniques vocales selon l’approche Estill qui m’a bouleversé. En quelques jours nous avons mis des sensations obscures en mots et en images. Les obstacles sont devenus des pistes, les difficultés se sont transformées en qualités vocales. Il devient facile de choisir parmi ces qualités celles que nous voulons utiliser. Exit la hiérarchie entre personnes plus ou moins douées. Exit le rabâchage à fond perdu d’exercices censés nous mener, après un nombre d’années indéterminées, au pied de la pénible échelle de la réussite. Je n’ai pour le moment rencontré aucune difficulté dans mon travail vocal depuis ce stage. Quand je fais un choix artistique reposant sur des techniques que je n’ai pas l’habitude d’utiliser, je les identifie et je les travaille quelques jours ou quelques semaines, et je chante comme j’avais l’intention de le faire, sans surprise.
J’en ai profité pour prendre conscience de mon histoire de voix, et évoluer à partir de là. Mon vieux belting ? Dans la palette, à volonté sur certaines portions de chansons, adouci par du sob (pleur). La diction ? Une fois la Boulette sortie de l’équation (pas la personne, que je ne juge pas, mais surtout la toxicité qu’elle m’imposait), un peu de travail sur le soutien et toutes les paroles passent. J’ai tiré un trait sur ma voix provisoire de l’époque Boite vocale, qui était une voix de recherche, sous influence, sans retourner tout à fait vers ma voix d’autodidacte, que je n’aimais pas et qui ne me représentait pas. J’ai gardé de cette expérience humaine, approfondie par ma prise de conscience Estill, le sob que je ne comprenais pas du tout, comme moyen d’expression et d’équilibrage entre la précision et la douceur. J’ai maintenant une voix chantée très proche de ma voix quand je parle, ce qui n’avait jamais été le cas dans mon histoire. Voix parlée (définition Estill) la majorité du temps, belting sur quelques mots, passages fréquents en cordes fines, rares en cordes rigides, fry fréquent et très contrôlé pour éviter l’association cordes rigides/slack, larynx moyen ou haut. Cette palette sonore actuelle me donne toute la liberté que je souhaitais et m’extrait de la sensation laborieuse qui m’interdisait l’expression. Le résultat plait, ce qui ne gâte rien mais n’a plus tellement d’importance pour moi. C’est peut-être l’impression que je donne d’être dans mon axe qui plait, plus que ma voix. Après tout, toutes les voix peuvent trouver leur public si on ne les écrase pas sous les jugements. J’aime moi-même beaucoup des chanteurs et chanteuses très différents, indépendamment de considérations techniques.
J’ai au même moment franchi une autre étape importante dans mon projet de vie, j’ai travaillé la guitare et j’ai commencé à m’accompagner, d’abord sur quelques chansons à deux guitares, Jonathan continuant à assurer l’autre, puis quelques chansons en solo avec An Oran, mon collègue Thomas PLES me laissant sur scène pendant quelques minutes. La dernière étape importante a été le départ de Jonathan du groupe Realta. Un peu triste humainement, mais ça m’a donné envie de mettre les bouchées doubles pour assurer tout le programme en tant que chanteur-guitariste, plutôt que lui chercher un remplaçant. Baptême du feu réussi en septembre dernier devant quelques milliers de personne (ma quasi-immunité au trac était la bienvenue). Conséquence logique, j’ai aussi travaillé ce répertoire en solo chant-guitare, ce qui constitue mon projet prioritaire actuellement.
Les premiers concerts m’ont permis de percevoir les différences entre le chant seul et le chant en groupe. Mes plus grands progrès concernant mon positionnement professionnel, ma posture d’artiste, la place du chant dans ma vie ont eu lieu ces dernières semaines, dans la maturation de mes sensations sur ces concerts, et sur ce que j’apporte et attends de mes collègues.
N’ayant pas de soucis techniques pour le moment, je laisse aller mes envies en allant à la rencontre d’autres styles. Je trouverai des limites dans ces rencontres, que j’observerai et que je repousserai, comme je l’ai déjà fait quelques fois. Le travail vocal, tout en continuant à occuper une grande partie de mon temps, n’est plus une préoccupation. Je vais donc orienter mon attention plutôt sur l’écriture, la guitare, et la présence scénique. Et peut-être réveiller ma vieille vocation d’enseignant, que j’ai écartée pendant une douzaine d’années.